Qu’est-ce que le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) ?
Le Zéro Artificialisation Nette est un objectif visant à limiter la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF), dans une logique de sobriété foncière, tout en compensant l’artificialisation lorsque celle-ci est inévitable. Concrètement, l’objectif ZAN implique que toute nouvelle artificialisation de sol (construction de bâtiments, zones commerciales, infrastructures, etc.) soit compensée par des mesures permettant de « désartificialiser », de renaturer d’autres espaces ou de limiter l’usage des espaces existants pour la construction.
Cette politique a été introduite en France par la loi Climat et Résilience adoptée en 2021. Elle vise à atteindre la neutralité en matière d’artificialisation des sols d’ici 2050, ce qui implique de repenser les modèles d’aménagement du territoire. Dans cette perspective, l’enjeu est de préserver les écosystèmes, la biodiversité et les espaces agricoles, tout en répondant aux besoins de développement et de construction de logements de notre pays.
Pourquoi avoir instauré le ZAN ?
L’artificialisation des sols a des conséquences multiples : perte de terres agricoles productives, diminution de la biodiversité, aggravation des risques d’inondation (du fait de l’imperméabilisation des surfaces), ainsi qu’un accroissement des émissions de gaz à effet de serre lié à l’étalement urbain.
En réponse à ces défis environnementaux, l’État français, dans le cadre de la loi Climat et Résilience, a fixé des objectifs progressifs de réduction de l’artificialisation, jusqu’à atteindre la neutralité en 2050. Le ZAN reflète ainsi une ambition forte : préserver la qualité des espaces naturels, agricoles et forestiers, favoriser la lutte contre le réchauffement climatique et améliorer la résilience des territoires face aux aléas climatiques. Dans ce contexte, la sobriété foncière s’impose comme un principe essentiel pour optimiser l’usage des sols et éviter leur consommation excessive.
Comment définit-on l’artificialisation des sols ?
L’artificialisation des sols se définit par la transformation d’un espace naturel, agricole ou forestier en un espace bâti ou imperméabilisé, par exemple lorsque l’on construit des bâtiments, des routes, des parkings ou encore des zones d’activités.
Ce processus altère les fonctions écologiques du sol, puisqu’un sol artificialisé ne peut plus filtrer l’eau de pluie ni abriter la faune et la flore de la même manière qu’un sol naturel. L’objectif de la politique ZAN est donc de réduire progressivement ces transformations et de favoriser le retour à un état plus naturel lorsque cela est possible.
Quelles sont les grandes étapes de la loi Climat et Résilience en lien avec le ZAN ?
La loi Climat et Résilience instaure plusieurs objectifs et jalons clés pour parvenir au ZAN :
- Diminution par deux du rythme de la consommation d’espaces à l’horizon 2030 : Les collectivités territoriales doivent s’engager à réduire de moitié la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF).
- Objectif ZAN à l’horizon 2050 : L’artificialisation nette qui peut se concevoir comme une balance entre artificialisation et renaturation, doit tendre vers zéro, grâce à une planification et une programmation urbaine adaptées (désartificialisation, désimperméabilisation, réhabilitation, recomposition urbaine, urbanisation douce, densification raisonnée, etc.).
- Intégration du ZAN dans les documents de planification : Les documents d’urbanisme (Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT), Plans Locaux d’Urbanisme (PLU), Plans Locaux d’Urbanisme intercommunaux (PLUi), etc.) doivent désormais prendre en compte dès à présent l’objectif ZAN et fixer des mesures concrètes pour y parvenir.
Quelles sont les implications pour les communes ?
Pour les communes, l’objectif ZAN implique une révision en profondeur de leur politique d’urbanisme. Concrètement, cela se traduit par :
- Des quotas de réduction de la consommation d’espaces : chaque région, puis chaque intercommunalité, se voit attribuer un volume de consommation d’espaces à ne pas dépasser sur une période donnée. Les communes doivent ensuite s’y conformer.
- Des programmes de densification : Afin de préserver les espaces naturels, agricoles et forestiers, les communes sont invitées à favoriser la construction dans les enveloppes urbaines existantes, par exemple en recyclant les friches urbaines ou en réhabilitant des bâtiments existants.
- La préservation de la biodiversité : les projets d’urbanisme devront intégrer des mesures de protection ou de restauration des habitats naturels.
- La concertation et la planification : Les élus locaux devront travailler en étroite coopération avec les communautés de communes, les départements et les régions pour assurer une cohérence du territoire dans la mise en œuvre du ZAN.
Quelles sont les principales difficultés pour une commune ?
- Le manque de foncier disponible : Dans des zones déjà très urbanisées, la marge de manœuvre est réduite pour construire sans empiéter davantage sur les sols naturels.
- La pression démographique : Dans les secteurs en forte croissance, il peut être complexe d’équilibrer l’accueil de nouveaux habitants, de promouvoir la construction de logements abordables et de favoriser la préservation des sols.
- Les contraintes économiques : Les projets de densification et de renaturation peuvent nécessiter des investissements importants, difficilement supportables par certaines communes.
- La coopération et la coordination avec les échelons supérieurs : Les communes doivent affirmer des schémas de développement compatibles aux orientations régionales et nationales dans une logique de dialogue avec l’ensemble de la strate administrative.
- La mise en pratique de la sobriété foncière : Parfois difficile à concilier avec les besoins en logements, services et infrastructures, la sobriété foncière requiert de revoir l’organisation spatiale et l’optimisation des ressources existantes.
- Le ZAN constitue un scénario de rupture par rapport à l’aménagement du territoire de ces cinquante dernières années. Il va nécessiter une refonte des pratiques professionnelles des acteurs de l’aménagement dans l’ensemble de la chaine de production, qu’ils soient publics ou privés.
Comment mettre en œuvre concrètement l’objectif ZAN dans un PLU ou un PLUi ?
Pour intégrer le ZAN dans un Plan Local d’Urbanisme (PLU) ou un Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi), quelques pistes se dégagent :
- Diagnostic foncier et environnemental : Identifier les zones déjà artificialisées, celles à forte valeur environnementale et celles susceptibles d’être réhabilitées (ZPR : zones préférentielles de renaturation).
- Orientation d’aménagement et de programmation (OAP) “densification raisonnée” ou « cœur d’ilot » : Insérer dans le document des prescriptions pour favoriser le projet urbain à l’échelle du quartier, pour densifier prioritairement les secteurs urbains sous-densitaires et ainsi éviter l’étalement urbain.
- Définition d’objectifs chiffrés : D’une part, fixer des plafonds de consommation d’espaces en cohérence avec les directives supra-communales tout en respectant les spécificités territoriales et, d’autre part, lister des actions raisonnables pour atteindre ces objectifs.
- Protection des zones naturelles et agricoles : Classer en zone N ou A (dans le PLU) les espaces de forte valeur écologique ou agricole et y restreindre la constructibilité.
- Stratégie de renaturation et de désartificialisation : Prévoir des actions pour reconvertir des friches, réduire l’imperméabilisation des sols, et instaurer des trames vertes et bleues (corridors écologiques), y compris dans l’enveloppe urbaine
- Politique ambitieuse des sols pour permettre de retrouver leurs fonctionnalités et donc les services écosystémiques associés (meilleure infiltration, rechargement des nappes, réduction du phénomène d’ilot de chaleur urbain, …).
Comment financer les projets de désartificialisation ou de renaturation ?
Le financement de telles opérations peut provenir de différentes sources :
- Subventions publiques : L’État, les régions et les départements peuvent proposer des dispositifs de soutien financier.
- Fonds européens : Le Fonds européen de développement régional (FEDER) ou le programme LIFE, instrument financier de la Commission européenne dédiée au soutien de projets innovants, privés ou publics, dans les domaines de l’environnement et le climat, peuvent accompagner des projets de renaturation et de protection de la biodiversité.
- Partenariats publics-privés : Certaines communes s’associent avec des acteurs privés pour valoriser des friches ou développer des écoquartiers.
- Taxation et redevances : Les documents de planification (comme le PLU) peuvent prévoir des taxes spécifiques (taxe d’aménagement majorée par exemple).
Y a-t-il des sanctions en cas de non-respect de l’objectif ZAN ?
La loi Climat et Résilience prévoit progressivement des mécanismes de contrôle et d’évaluation de l’atteinte des objectifs. Bien que les sanctions ne soient pas encore toutes opérationnelles, on peut s’attendre à :
- Des retraits ou des réductions de subventions : Les collectivités ne respectant pas leurs engagements pourraient se voir privées d’une partie des aides publiques.
- Des contraintes renforcées dans les documents d’urbanisme : Si les objectifs régionaux ne sont pas atteints, l’État pourrait imposer des règles plus strictes pour les PLU ou PLUi, réduisant ainsi les marges de manœuvre locales.
Quels sont les avantages pour une commune de respecter l’objectif ZAN ?
- La préservation du cadre de vie : Moins d’artificialisation, c’est plus d’espaces verts, plus de biodiversité, un maintien de l’agriculture et une meilleure qualité de l’air, ce qui attire les habitants et valorise le territoire.
- L’équilibre entre les fonctions « habiter », « travailler », « se déplacer » favorise le mieux-vivre ensemble
- L’adaptation au changement climatique : En préservant les sols naturels, la commune limite les risques d’inondation et veille à la limitation des ilots de chaleur.
- L’accès à des financements et des aides : Les collectivités vertueuses peuvent bénéficier de soutiens supplémentaires, de valorisation de leurs initiatives, et construire une image de « commune durable ».
- La réduction des coûts d’infrastructures : L’étalement urbain peut coûter cher (voiries, réseaux d’eau, d’assainissement, etc.). Une meilleure utilisation de l’espace permet de maîtriser ces dépenses à long terme.
- L’exemplarité en matière de sobriété foncière : En adoptant une approche raisonnée de la gestion du sol, la commune devient un modèle pour d’autres territoires.
Comment sensibiliser les habitants et les acteurs locaux au ZAN ?
La réussite du ZAN passe par l’adhésion de tous : élus, habitants, professionnels de l’urbanisme et acteurs économiques. Plusieurs leviers de sensibilisation sont possibles :
- Ateliers de concertation : Inviter les habitants à donner leur avis sur les futurs projets d’aménagement, voire à construire dans des logiques partenariales les projets avec la collectivité.
- Expositions et supports pédagogiques : Présenter des exemples concrets de renaturation ou de densification réussis.
- Événements locaux (fêtes, portes ouvertes, etc.) : Mettre en avant les projets de la commune, expliquer l’importance de préserver les sols et promouvoir une culture de la durabilité.
- Communication numérique : Utiliser le site web de la commune, les réseaux sociaux et les newsletters pour informer régulièrement sur l’avancement des projets et les bénéfices attendus.
Quelles perspectives pour l’avenir ?
L’objectif ZAN va profondément transformer la manière dont les territoires se développent. Dans les prochaines années, des évolutions vont être constatées :
- Une coordination accrue : Les régions, les intercommunalités et les communes devront coopérer de façon renforcée pour définir et respecter l’équilibre des différents projets de territoire.
- Le développement de nouvelles expertises : Les bureaux d’études, les architectes, les géomètres-experts, les urbanistes et les services techniques des collectivités devront maîtriser les approches de densification, de renaturation et de protection de la biodiversité.
- Un suivi renforcé : Des indicateurs de suivi (surface artificialisée, surface désartificialisée, bilan carbone, etc.) seront mis en place pour mesurer l’efficacité des politiques publiques et ajuster les stratégies si nécessaire.
- Des projets innovants : De nouveaux modes d’habitat (écoconstruction, habitat partagé, etc.), de mobilité (transports doux, covoiturage, etc.) et de gestion de l’eau (infiltration, récupération, etc.) continueront d’émerger pour concilier développement et préservation des sols.
- Une véritable culture de la sobriété foncière : Progressivement, le recours systématique à la transformation de nouveaux espaces sera remis en question, au profit d’une utilisation plus efficace des unités foncières déjà construites ou urbanisées.
Conclusion
Le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) est bien plus qu’une simple contrainte réglementaire ; c’est un véritable changement de paradigme pour l’aménagement du territoire. En visant à protéger la biodiversité, les systèmes agricoles, à limiter l’étalement urbain, à encourager la renaturation et à promouvoir la sobriété foncière, le ZAN répond à des enjeux majeurs de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique.
Pour les communes, cela implique de repenser les documents d’urbanisme (PLU, PLUi), de fixer des objectifs de densification et de désartificialisation, et de mobiliser des financements adaptés. Au-delà des obligations légales, le ZAN offre l’opportunité de bâtir des territoires plus résilients, plus attractifs et plus respectueux de l’environnement. Il revient à chaque acteur local, du maire à l’habitant, de prendre conscience des bénéfices à long terme. Pour ce faire, l’ensemble de la chaine des acteurs de l’aménagement du territoire doit s’engager collectivement dans cette transition.